Halifax Herald, 18 octobre 1996
Les Mi'kmaq ne sont pas insultés par le terme « Micmac »
Dernièrement, un de mes amis blancs m'a demandé si je trouvais le terme « Micmac » humiliant; je lui ai répondu que non. La raison en est que ce terme générique est utilisé librement depuis plus de 320 ans, et il l'est toujours, même par notre peuple. De plus, je n'y ai jamais senti de connotation péjorative.
D'où vient ce terme? C'est la traduction anglaise d'un mot que les Mi'kmaq utilisaient pour parler d'eux-mêmes. Comme la prononciation est complètement différente du mot « Mi'kmaq », je ne serais pas surpris que les premiers habitants de l'est du Canada, pour parler d'eux-mêmes, aient eu recours à un nom dont la prononciation serait plus proche de « Micmac » que de « Mi'kmaq ».
J'en fais mention parce que presque tous les vieux documents, qui ont été écrits par des personnes maîtrisant bien la langue mi'kmaq, ont utilisé le terme d'une façon ou d'une autre. Cependant, plusieurs personnes, qui ne connaissaient pas la langue mi'kmaq, déformaient le mot; celui qui m'amuse le plus est « Mick Mack ».
J'aimerais partager avec vous cette « perle » tirée d'une histoire écrite par Marion Robertson, une écrivaine de Nouvelle-Écosse, au sujet de la première consignation du nom « Micmac ». Le titre du livre, publié par le Musée néo-écossais, en 1965, est Red Earth: Tales of the Micmac, with an introduction to their customs and beliefs (La bande de Red Earth : légendes des Micmac, accompagnées d'une introduction à leurs coutumes et croyances).
« Selon Roth, dans Acadia and Acadians, les Micmacs étaient connus des premiers colons français sous le nom de Souriquois, 'les hommes de la mer', afin de les différencier des Iroquois qui habitaient les régions d'eau douce. Le nom « Micmac » a été consigné, pour la première fois, en 1676, dans un mémoire rédigé par de La Chesnaye. Dans une note de bas de page au sujet du mot terre megamingo, terme utilisé par Marc Lescarbot, le professeur Ganong observait « que c'est tout à fait probable que ce mot soit à l'origine du nom Micmac ».
Tel que suggéré dans cet article portant sur les coutumes et les croyances des Micmacs, il serait vraisemblable que le nom megumaagee, utilisé par les Micmacs, ou Megumawaach, quand ils qualifiaient leur territoire, vient des mots megwaak, 'rouge,' et makumegek, 'sur la terre', ou tel que consigné par Rand : 'rouge sur la terre' megakumegek 'sol rouge', 'terre rouge'.
Donc, les Micmacs ont pu s'identifier eux-mêmes comme le Peuple de la terre rouge.
D'autres personnes qui cherchaient la signification du mot Micmac ont avancé qu'il provenait de nigumaach, 'mon frère, mon ami', pouvant être également utilisé par un mari, envers son épouse, pour lui témoigner son affection…
Stansbury Hagar, dans Micmac Magic and Medicine fournit une autre explication au mot Micmac : le mot megumawaach est tiré du nom du célèbre maître des magiciens Micmac, megumoowesoo, qui serait à l'origine du pouvoir détenu par les premiers magiciens Micmac.
De par ma connaissance du sujet, le terme « Micmac » n'est pas insultant, alors qu'« autochtone » l'est, quand il est utilisé pour identifier notre origine continentale. Le dictionnaire définit le mot « autochtone » comme « appartenant à » ou si vous préférez « indigène ». Cela ne pose pas de problème quand il s'agit de discuter de l'origine d'un peuple ou d'une plante, mais aucun continent ne porte le nom d'« Autochtonie » qui justifierait l'appellation « Autochtones ». À mon avis, parce que le terme autochtone peut s'appliquer même aux plantes, il a remplacé les vieux termes dégradants, autrefois utilisés par les Européens pour nous identifier. Je parle, ici, de "païens" et de "sauvages".
Rien ne justifie l'utilisation d'un terme semblable dans le but de nous identifier; nous, les Peuples des Amériques, sommes Américains. Néanmoins, nous ne pouvons utiliser le terme "Américain", puisque les citoyens d'un pays, les Etats-Unis, se le sont appropriés parce qu'ils n'ont pas su trouver un nom qui leur soit propre. Par conséquent, si nous voulons nous différencier d'eux, nous n'avons d'autre choix que de nous identifier comme Autochtones américains.
Alors, pourquoi le Canada nous a-t-il affublés du terme d'“autochtones” au lieu d'utiliser un mot qui reconnaisse notre origine continentale? La réponse peut tenir au fait que plusieurs blancs nourrissent encore une vision raciste systémique à notre endroit, arguant que nos origines seraient barbares, plutôt qu'enracinées dans la civilisation. Si tel n'est pas le cas, alors, comment se fait-il que les Européens, qui sont les Autochtones d'Europe, sont-ils appelés Européens et non “autochtones”! En fait, il n'y a qu'au Canada et en Australie, où les populations indigènes ont été brutalement déplacées, que le terme "autochtone" est couramment utilisé pour les identifier.
J'ose espérer que les non-Autochtones reconnaissent maintenant que nous sommes issus de grandes civilisations, qui nous ont transmis, depuis les temps ancestraux, les noms précieux de notre peuple : Mi'kmaq (Micmac), Mohawk, Maliseet, et ainsi de suite. Vous êtes priés de nous identifier par ces noms, ou alors, d'utiliser les termes suivants quand vous parlez de nous en tant que collectivités : Premières Nations, Autochtones américains ou Amérindiens; ou encore, comme certains le préfèrent, dans d'autres pays des Amériques, Indigènes américains.
Personnellement, je suis devenu tellement dégoûté du terme “autochtone” que j'ai retiré mon livre des tablettes, We Were Not the Savages qui, pourtant se vendait bien, afin de le réviser. Dès que la révision sera terminée et qu'un éditeur le prendra en main, le terme "autochtone" sera utilisé uniquement dans le contexte des droits territoriaux, de pêche et de chasse, etc. Les Autochtones américains seront identifiés par les noms mentionnés dans cet article.
Daniel N. Paul